Je veux croire que je vais regarder chaque jour comme si c’était la première fois. Voir les personnes qui m’entourent surpris et émerveillé, joyeux de découvrir qu’elles sont à mes côtés pour partager quelque chose que l’on appelle amour, dont on parle beaucoup et que l’on comprend mal.
Je regarderai tout comme si c’était la première fois – surtout les petits objets auxquels je suis habitué, oubliant la magie qui m’entoure. Les touches de mon ordinateur, par exemple, qui bougent avec une énergie que je ne comprends pas. Le papier qui apparaît sur l’écran, et qui depuis longtemps ne se présente plus de manière physique, même si je crois écrire sur une feuille blanche, sur laquelle il est facile de corriger en appuyant simplement sur une touche. À côté de l’écran de l’ordinateur s’accumulent des papiers que je n’ai pas la patience de mettre en ordre, mais si je pense qu’ils cachent des nouveautés, toutes ces lettres, notes, coupures, reçus, acquerront une vie propre, et ils auront de curieuses histoires – passées et à venir – à me raconter. Tellement de choses dans le monde, tellement de chemins parcourus, tellement d’entrées et de sorties dans ma vie.
Je veux regarder pour la première fois le soleil, si demain il fait soleil, les nuages, si demain le temps est nuageux. Au-dessus de ma tête, il y a un ciel auquel toute l’humanité, durant des milliers d’années d’observation, a déjà donné une série d’explications raisonnables. Alors, j’oublierai tout ce que j’ai appris au sujet des étoiles, et elles redeviendront des anges, ou des enfants, ou n’importe quoi si j’ai envie d’y croire à ce moment-là.
Le temps et la vie ont tout rendu parfaitement compréhensible – et moi, j’ai besoin du mystère, du tonnerre, qui est la voix d’un dieu en colère et pas une simple décharge électrique qui provoque des vibrations dans l’atmosphère. Je veux remplir de nouveau ma vie de fantaisie, parce qu’un dieu en colère, c’est beaucoup plus curieux, terrifiant et intéressant qu’un phénomène physique.
Et enfin, je dois me regarder moi-même comme si j’étais pour la première fois en contact avec mon corps et mon âme. Je dois regarder cette personne qui marche, qui sent, qui parle comme n’importe quelle autre, m’étonner de ses gestes les plus simples, comme parler avec le facteur, ouvrir le courrier, contempler sa femme endormie à ses côtés, se demandant à quoi elle est en train de rêver.
Ainsi, je resterai ce que je suis et ce qu’il me plaît d’être, une surprise constante à mes propres yeux. Ce moi qui n’a été créé ni par mon père ou ma mère, ni par mon école, mais par tout ce que j’ai vécu jusqu’à ce jour, que j’ai subitement oublié et que je suis en train de redécouvrir.